Amadou Haya Sanogo le malien et Michel Djotodia le centrafricain : Après le pouvoir… les déboires au bout du fusil !

22 décembre 2013

Amadou Haya Sanogo le malien et Michel Djotodia le centrafricain : Après le pouvoir… les déboires au bout du fusil !

Deux itinéraires politiques qui se ressemblent ?

Sanogo le malien et Djotodia le centrafricain constituent, deux cas africains caractériels de prise de pouvoir politique qui me suggèrent ce billet. Sans doute inspirés de la pédagogie militaire de MAO de conquête de pouvoir fondée sur son célèbre précepte de : « le pouvoir est au bout du fusil », ces deux hommes semblent expérimenter aujourd’hui, à leurs dépens,  un exercice de pouvoir plutôt jonché de : « déboires au bout du fusil ». 

Le cas Amadou Haya SANOGO, le malien

Ce jeune et bouillant capitaine, destitue par son coup d’état militaire du 22 mars 2012 le président Amadou  Toumani Touré qu’il accuse de laxisme et d’inaction face à la tentative de partition de toute la zone nord de son Mali de cœur par les rebelles touaregs du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) qui ont conquis le nord du Mali et déclaré alors l’indépendance de l’Azawad.

Beaucoup d’observateurs voient, en son temps, dans cette tentative, la conséquence d’un effet boomerang de déstabilisation de l’hinterland du Maghreb que tout le monde redoutait après la mort de Mouammar Khadafi et le changement de pouvoir en Libye.

Le Mali allait être ainsi la première victime de cette déstabilisation. Et pour les rebelles touaregs maliens du MNLA, l’occasion était trop belle, pour ne pas la saisir, afin d’exhausser enfin des velléités d’autonomie longtemps étouffées. Amadou Haya Sanogo dénonçant une gestion calamiteuse du conflit entre l’armée et la rébellion touareg renverse donc Amadou Toumani Touré en fin de mandat présidentiel dans un contexte de prochaine élection présidentielle à laquelle ce dernier ne se représentait d’ailleurs pas.

Oui mais,en destituant Amadou Toumani Touré, Sanogo, a-t-il suffisamment mesuré la portée de son acte ? ATT n’est pas n’importe qui. C’est « le soldat de la démocratie » qui bien qu’ayant lui aussi destitué Moussa Traoré par un coup d’état militaire en mars 1991, n’exercera et ne conservera le pouvoir présidentiel que le temps d’une transition démocratique. Il réussira, en effet, à organiser du 29 juillet au 12 août 1991 une conférence nationale puis des élections présidentielles en 1992 à l’issue desquelles il remet le pouvoir à un nouveau président élu Alpha Oumar Konaré.

Plus tard, le soldat de la démocratie, qui aura entre-temps demandé et obtenu sa mise en retraite anticipée de l’armée, exercera deux mandats présidentiels, entre (2002-2007) et (2007-2012), à l’issue, chaque fois, des élections présidentielles qu’il gagnera démocratiquement. Le Mali est alors cité parmi les rares expériences et modèles de réussite démocratiques en Afrique.

Espoirs déçus, désillusions et…

A sa prise du pouvoir, une bonne partie du peuple malien, sans beaucoup de discernement politique sans doute, exulte et espère une reprise en main rapide, par l’armée de Sanogo,  de la situation militaire dans le nord du Mali. Le capitaine devient alors Chef de l’Etat au terme de l’ordonnance no 0001 du 26 mars 2012 de son Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE). Il suspend les institutions et la constitution du Mali avant finalement d’être contraint, sous la pression internationale, à rétablir les institutions démocratiques et à remettre le pouvoir aux civils en resituant, à la constitutionnelle, le 12 avril 2012, l’intérim de la présidence de la république au président de l’Assemblée nationale malienne Dioncounda Traoré, après la démission de Amadou Toumani Touré.

Somme toute, Amadou Haya Sanogo ne sera resté Chef de l’État malien de facto que 20 jours. Peut-il bénéficier de l’excuse du temps ? Sans doute oui. Toujours est – il que durant son court mais imposant règne, bien qu’ayant remis le pouvoir aux civils, Sanogo garde une autorité puissante en dirigeant une importante partie de l’armée, en procédant à des arrestations d’anciens militaires et d’hommes politiques, etc..  Il est investit président du « Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité » par Dioncounda Traoré, le 13 février 2013 avant d’être promu, à l’étonnement de tous, au grade de général de corps d’armée par décision d’un conseil des ministres malien du 14 août 2013 peu avant le deuxième tour des élections présidentielles du Mali de 2013.

De la reprise en mains de la situation militaire au nord : c’est plutôt une cruelle désillusion. Le sursaut d’orgueil espéré de l’armée malienne de Sandogo ne se produit pas. Plutôt hystérique et fanfaron, à souhait, Amadou Haya Sanogo, le  vrai « nouvel homme fort » du Mali, se prélassant à Bamako,  ne saura, ni réorganiser l’armée, ni se porter au front pour endiguer l’avancée des rebelles touaregs vers le sud. Le Mali ne tiendra la survie de son ‘unité et de son intégrité territoriale gravement menacées par les rebelles touaregs qu’à l’intervention de l’armée française qui stoppera net l’avancée des rebelles vers Bamako.

Le seul haut fait de guerre et de restauration de l’Etat (sic) de Sanongo ne restera en définitive que l’écrasement dans le sang d’une tentative de contre coup d’état menée par quelques soldats bérets rouges maliens plutôt pro Amadou Toumani Touré. Même le président intérimaire Dioncounda Traoré  subira les conséquences de l’hystérie de Sanogo lorsqu’il sera lynché dans son palais présidentiel le 21 mai 2013.

… déboires de SANOGO

Au terme d’un processus laborieux mais finalement démocratique qui se termine par l’élection de Ibrahim Boubacar Keita comme actuel président du Mali, les déboires commencent pour Sanogo. Un charnier est découvert non loin de Bamako. Le charnier contient 21 corps, probablement de militaires bérets rouges disparus sous son règne et entérrés dans une fosse commune à Diago. Le nouveau général des corps d’armées Sanogo est aussitôt accusé par la justice malienne de crimes et de complicité de crimes. Vite rattrapé par l’histoire, il apprendra ainsi, à ses dépens, que le pouvoir au bout du fusil peut facilement se muer en déboires au bout du fusil. Une facile traduction de la version biblique : « Qui tue par l’épée, périt par l’épée« 

Le cas Michel DJOTODIA, le centrafricain

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Autre cas caractériel d’accès au pouvoir anti-démocratique, l’équilibriste Michel Djotodia a un itinéraire politique presque semblable à Sanogo. Il s’appuie lui aussi sur le même précepte maoïste de conquête du pouvoir au bout du fusil.  Soutenu par une horde des mercenaires tchadiens, soudanais, camerounais, etc.. il renverse Bozizé et devient président de la République Centrafricaine en mars 2013. La coalition des rebelles qui le porte ainsi au pouvoir se nomme séléka.

Comme leur chef (sic!), le mouvement de rébellion séléka est majoritairement, semble t-il, formé des musulmans sur lesquels, confronté à la réalité du pouvoir réel, Michel Djotodia ne semble avoir ni maîtrise ni contrôle. Les séléka (qui, ironie de langue, signifie alliance, en sango, une langue nationale centrafricaine), vont, aussitôt conquis le pouvoir, s’illustrer dans des actes d’assassinat, de pillage, des viols, etc.., d’une horreur rarement atteinte ailleurs, en direction de la communauté chrétienne qu’ils accusent soit de résistance, soit de soutien au pouvoir déchu de Bozizé. D’aucuns cependant, en dernière analyse, pensent qu’ils veulent manifester ainsi leur mécontentement face aux promesses et récompenses non respectées. Rançon de guerre mal partagée en quelque sorte.

Face aux exactions des musulmans de la séléka, les chrétiens se regroupent en milices d’auto-défense anti-balaka.  C’est le début d’un cycle infernal d’attaque, contre-attaque, représailles, contre-représailles. Un véritable « œil pour œil, dent pour dent » entre deux confessions religieuses qui ont su pourtant vivre longtemps en parfaite harmonie. Le summum des massacres et des tueries aveugles est atteint à Bangui la capitale entre jeudi 5 et lundi 9 décembre 2013 avec plus de 400 personnes tuées par balles et/ou autres armes blanches.

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L’ONU, sur une résolution de son Conseil de sécurité, autorise alors la France à intervenir militairement au côté de la Misca, une force composée de soldats africains de plusieurs pays opérant en Centrafrique, dans le but de rétablir l’ordre et de stabiliser le pays.

Le chaos n’est pour autant pas évité. Il est complet et l’incompétence au sommet de l’Etat est à son comble. Curieusement, face au drame que vit le peuple centrafricain, Michel Djotodia a pour toute réponse, un discours et une attitude plutôt déroutants. A lire Yannick Nalimo, qui lui prête, les propos ci-dessous dans LA NOUVELLE CENTRAFRIQUE, on ne peut qu’être ahuri, sinon révolté, de l’étourderie politique de Djotodia dans le contexte historique actuel de la république centrafricaine.  Michel Djotodia, Président de la République Centrafricaine déclare, pèle-mêle, à qui veut l’entendre :

« Je voudrais rassurer la communauté internationale car tout le monde est préoccupé par l’insécurité qui règne en République Centrafricaine, je le suis moi aussi. Je me dois d’écouter la population qui souffre, je veux rétablir l’ordre et la paix ».

« Les forces vives qui m’ont porté au pouvoir doivent regagner leurs bases et je les en remercie, car ils ont fait du bon travail ».

« Je suis un Chef d’Etat responsable».

« Je ne m’enfermerai pas dans une tour d’ivoire. Je veux aller rencontrer la population et je serais à son écoute ». Par ce que « tout doit changer »

Dans un discours qu’il ponctue par  un final : « Que Dieu bénisse la Centrafrique »

Je ne suis pas centrafricain, certes. Mais qu’on ne m’accuse pas d’ingérence ou de fouine importune dans les affaires d’un Etat qui n’est pas le mien. Car je suis, après tout, de l’Afrique centrale et reste persuadé que le proverbe africain « quand la maison du voisin brûle … »  n’est pas une simple anecdote. Aussi, j’invite la communauté internationale (un concept flou), si lente à voler au secours des peuples en danger d’extermination, à bien soupeser l’incurie et l’irresponsabilité des apprentis politiciens de tout bord, à l’instar d’un Michel Djotodia et à l’aider à s’en aller. Après … le pouvoir au bout du fusil, voici venu aussi pour lui, le temps des … déboires au bout du fusil. J’aimerais, pour cela, pouvoir compter sur des propos de certains mentors de cette fameuse communauté internationale :

François Hollande  (Président de la France) : « On ne peut pas laisser en place un président qui n’a rien pu faire et qui a même laissé faire ».

Samantha Power ( ambassadeur américain à l’ONU ) en direction des hommes forts actuels de Bangui :  « Les gens puissants n’aiment généralement pas abandonner le pouvoir. Je pense que c’est probablement bien votre cas, et c’est aussi le mien. Il est extrêmement important que ces gens puissants, le président Djotodia, le Premier ministre et le président du conseil, acceptent de quitter le pouvoir dès que ces élections se produiront et ils ont convenu de tenir ces élections au plus tard en février 2015.« 

Déjà, en écho sur rfi, l’invite de Idriss Deby, Chef d’Etat du Tchad, considéré par beaucoup comme le principal mentor de la prise de pouvoir de Michel Djotodia à Bangui, au peuple centrafricain à ne pas confondre les mercenaires tchadiens qui ont accompagné Djotodia dans la conquête du pouvoir et les troupes tchadiennes de la Misca, est de bonne augure. De tels propos de la bouche d’un Idriss Deby sonnent comme un véritable désaveu de l’actuelle « homme faible » de Bangui.

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