RDC : la journée nationale de l’enseignant (e), une « sale » journée pour notre « beau métier »

3 mai 2014

RDC : la journée nationale de l’enseignant (e), une « sale » journée pour notre « beau métier »

  enseignement

A l’instar de nombreux pays du monde, qui célèbrent la journée internationale de l’enseignant(e) le 05 octobre de chaque année pour honorer les enseignants, la République Démocratique du Congo consacre, le 30 avril de chaque année, pour glorifier les siens. Hélas, les fériée, chômée et payée accolées à cette journée, résonne davantage comme un non sens intégral dans le contexte congolais. 

journée mondiale ou internationale

Pour exalter tout événement dont l’importance aura suffisamment impacté son histoire, le monde a inventé le concept de journée mondiale ou encore de journée internationale, affecté à un jour de l’année qu’il dédie à un thème particulier à un niveau international ou mondial.

Comme pour pérenniser cette initiative, des informaticiens développeurs ont créé ce web site consacré à la journée mondiale. Le site est participatif, ces concepteurs y sollicitent les contributions d’un chacun en vue de prolonger son existence. Un quiz journée mondiale y est même proposé, sur Facebook,  à toute personne qui veut oser.

D’anniversaires en commémoration, il existe ainsi pas mal des journées, dédiées à différents thèmes, et dignement fêtées par la communauté internationale. Car, le plus souvent, le jour retenu pour commémorer l’événement, est revêtu de beaucoup de solennité.Mais surtout, il est généralement déclaré : jour férié, chômé et payé.

Il en est ainsi de la journée du 1er mai, que le monde entier dédie au travail et que, mon ami mondoblogueur Debellahi  décrit de fort belle manière dans un de ses récents billets sur son blog. Dans une réflexion avancée, l’auteur  se demande, s’il n’était pas plus indiqué de dédier cette journée au travailleur plutôt qu’au travail. De même, il reste malicieusement philosophe dans le sous-entendu du sous-titre de son billet : une journée fériée, chômée par tous…mais payée à certains. Une opportunité pour lui de dénoncer le cynisme, à peine voilé,  entretenu autour de ces expressions par rapport à la réalité du terrain.

Des journées internationales, mais aussi  des « journées nationales »

Il existe beaucoup d’autres journées internationales fériées, chômées et payées ou non, à l’instar de celle du 05 octobre, dédiée chaque année à l’enseignement et à l’enseignant(e) que d’autres développeurs présentent sur ce site web de l’Unesco. Ce site, très informatif, recense un grand nombre d’informations utiles au développement d’un secteur vital qu’est l’enseignement pour la communauté mondiale et pour le métier de l’enseignant dont la noblesse a été immortalisée dans le classique « notre beau métier  » du frère Macaire. Cet incomparable manuel de pédagogie appliquée est perçu, aujourd’hui, comme le bréviaire de tout enseignant.

Pour honorer ce métier, on peut lire sur la page d’accueil du site de l’Unseco, célébrant la journée mondiale de l’enseignant (e) 2012, ces propos de sa directrice générale, Irina Bokova : « En ce jour, nous demandons que les enseignants bénéficient d’environnements favorables, de formations appropriées de qualité ainsi que de « mesures de protection » de leurs droits et de leurs responsabilités …Nous attendons beaucoup des enseignants – ils sont à leur tour en droit d’attendre autant de nous. Cette Journée mondiale des enseignants nous offre à tous l’occasion d’agir« .

La journée internationale de l’enseignant(e), certains pays comme la Belgique, la France et la Suisse ne la commémorent pas. D’autres, lui consacrent plutôt une journée nationale. Tel est le cas de mon pays la RDC, qui a choisi le jour du 30 avril de chaque année pour glorifier ses enseignants. Ce jour est donc déclaré chômé, férié et payé pour tous les enseignants rd-congolais.

Je suis enseignant, je suis rd-congolais. Hier, 30 avril 2014, c’était donc ma journée chômée, pour un repos mérité qui m’a quelque peu requinqué. Peut-on, pour autant, dire que cette journée ait été aussi une journée fériée et payée, fêtée, à sa juste mesure, pour tous les enseignants rd-congolais ? Un bémol s’impose, face à la réalité de terrain, très peu reluisante, pour ne parler que de l’enseignement primaire et secondaire, sachant que l’enseignement supérieur est presque logé à la même enseigne. Suivez donc, par ces quelques déclarations de quelques personnes avisées et autorisées, comment cet événement a été plutôt perçu en RDC :

enseignement1

A Kinshasa, ces propos de Jean-Bosco Puna, porte-parole de la synergie des syndicats des enseignants congolais, tranchent net :

« Il y a … [en RDC] … 300 000 enseignants qui travaillent sans être payés. Ça fait des années et des années. Nous avons observé le gouvernement mais il n’agit pas »

« Depuis que nous avions eu un petit réajustement en 2007, jusqu’aujourd’hui, l’enseignant est abandonné à son triste sort. Nous estimons que trop c’est trop. Il est question pour nous de commencer ces actions syndicales aujourd’hui pour interpeller tous les partenaires qui gèrent le système éducatif afin qu’on donne des solutions aux problèmes de l’enseignement« 

« Les enseignants sont des gens qui n’ont plus de salaire, qui n’ont pas de maisons, et n’ont pas de soins de santé acceptables. Quand un enseignant décède, son nom est élagué de la liste de paie et sa famille reste dans la misère la plus totale »

A Lubumbashi (2000 Km au sud-est de Kinshasa), les syndicalistes de l’EPSP (enseignement primaire, secondaire et professionnel) sont tout aussi formels :

A l’occasion de la journée nationale de l’enseignement célébrée le 30 avril, les enseignants des écoles de Lubumbashi ont déploré la baisse du niveau de l’enseignement … Leurs syndicats estiment que cette baisse du niveau de l’enseignement est causée par le manque de motivation des enseignants. Ils plaident pour une amélioration de leurs conditions de vie.

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Dans la ville de Mbuji-Mayi (2000 Km au sud-est de Kinshasa), dans le Congo profond au Kasaï-Oriental, les responsables d’écoles et les parents d’élèves se plaignent du délabrement des écoles pendant que les enseignants récusent les conditions d’étude et de travail dans leurs établissements. 

enseignement9Paradoxalement, les pouvoirs publics, dans leur folklore habituel, ont plutôt placé cette journée sous le thème de Tous pour l’éducation de qualité et l’ont entouré d’un concert fade des manifestations à peine audibles et visibles à Kinshasa. Que puissent, enfin, ces pouvoirs publics, entendre le message de la directrice générale de l’Unesco, Irina Bovova, ci-haut référencé, notre métier, retrouverait, sans aucun son qualificatif perdu de beau.

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