Entre Kinshasa et Brazzaville : un pare-feu de sécurité en lieu et place d’un pont sur le fleuve congo ?
A la lumière des récentes et massives expulsions des RD-Congolais du Congo-Brazza vers leur pays d’origine et des nouvelles mesures diplomatiques instituant désormais un visa de séjour, en lieu et place d’un simple « laissez-passer« , aux ressortissants de deux pays, tout semble indiquer que les « politiques » congolais des temps modernes ont choisi d’établir un pare-feu de sécurité entre leurs capitales respectives, plutôt qu’un pont. Dommage.
Kinshasa et Brazzaville, les deux capitales les plus rapprochées au monde
La République démocratique du Congo et la République du Congo-Brazzaville, on le sait, sont les deux capitales les plus rapprochées du monde. En effet, Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, et Brazzaville celle de la République du Congo ne sont séparées que par un fleuve : le fleuve Congo.
Par essence, une rivière est faite pour séparer deux entités géographiques différentes. Elle sert, malheureusement, dans ce cas, souvent de frontière naturelle qui éloigne et divise des peuples. A contrario, une rivière peut sous-tendre une vraie unification et rapprocher ses riverains lorsqu’elle supporte un pont qui relie leurs rives.
A la lumière des récentes et massives expulsions des RD-Congolais du Congo-Brazza vers leur pays d’origine et des nouvelles mesures diplomatiques instituant désormais un visa de séjour, en lieu et place d’un simple « laissez-passer« , aux ressortissants de deux pays, tout semble indiquer que les « politiques » congolais des temps modernes ont choisi d’établir un pare-feu de sécurité entre leurs capitales respectives, plutôt qu’un pont. Dommage.
Et pourtant…
Dans les temps anciens, les riverains et utilisateurs de ces deux pays ne se sont pas beaucoup, sinon jamais, interrogés sur l’unité que leur a toujours procuré le fleuve Congo qui les a pourtant toujours séparés. Dans l’histoire récente de ces deux pays, des musiciens congolais, à l’instar de Franklin Boukaka, ont vite fait d’incarner cette réunification de deux Congo dans cette belle mélodie : » Pont sur le fleuve Congo « .
https://www.youtube.com/watch?v=mWa-Rfub9Yw
Franklin Boukaka a su dans sa chanson exprimer un souhait larvé des peuples riverains : celui de créer un pont entre Brazzaville et Kinshasa, un souhait jamais exhaussé par les « politiques« . Sa complainte musicale chantée en langue lingala, une langue parlée sur les deux rives du fleuve Congo, je la comprends aussi comme le symbole d’un pont entre les âmes des peuples des deux rives. Elle évoque aussi une sorte d’angoisse permanente des citadins devant la multiplication des conflits sociaux et une dégradation des valeurs morales positives au profit de l’argent et de la haine. Dans sa traduction française, voici le condensé de la complainte de Franklin Boukaka :
Mes amis, le Congo d’aujourd’hui est un grand Congo
Vraiment cela se fait voir
La façon dont le Congo s’est développé
Mes amis, recevez aujourd’hui mes encouragements
Pour l’unité du Congo
Suivons en cela les conseils de Lumumba
Que l’entente règne entre Kinshasa et Brazzaville
Une absence d’intégration économique et sociale…
Au-delà de l’anecdote, il ne faut pas être économiste sociologue ou anthropologue de renommée pour comprendre l’effet bénéfique d’une intégration économique et sociale qu’un pont apporterait sur les deux pays. Hélas, hélas…, c’est à croire que, de chaque côté, des deux rives du fleuve les experts n’ont jamais su à ce jour argumenter auprès de leurs « décideurs politiques « .
Un pare-feu de sécurité ?
En revanche, il est fort intéressant de constater l’ahurissante facilité de ces décideurs politiques à intégrer le concept de sécurité censé, sans doute, sauvegarder leurs intérêts et privilèges particuliers. En prenant la métaphore du pare-feu de sécurité informatique, on croirait nos décideurs politiques plus aptes à assimiler les normes de sécurité informatique. Pourquoi s’étonner : ne sommes nous pas tous entrés dans l’ère du « tout numérique » qui conduit le monde moderne actuel ? Aucune ignorance de cette discipline n’est plus permise aux personnes qui ne veulent plus s’afficher comme des analphabètes du 21e siècle. Surtout quand celles-ci sont des personnes très « médiatisantes »
Dans cet élan, il est plausible d’imaginer que les « politiques » congolais de deux rives ont, sans doute, vite compris que pour « leur sécurité« , l’irrigation d’un pare-feu entre les capitales était plus encline à protéger leurs intérêts. Ils n’ont cure de l’intégration économique ou sociale de leurs pays et peuples respectifs.
Qui a dit que : « la rivière ne voit jamais le dessus du pont » ?
Sur les expulsions récentes et encore en cours des RD-Congolais du Congo-Brazza, la force et la puissance du « tout numérique » au travers des réseaux sociaux ont décrit des faits graves, montré des images horrifiantes et des scènes insoutenables de ces expulsions. Hier, fin avril, c’était plus de 130 000 RD-Congolais expulsés de Brazzaville. Aujourd’hui fin juillet, c’est près de 14 000 qui le sont de Pointe-Noire.
Lors de ces déplacements, on a pu voir les écarts et abus insupportables de comportements de policiers brazzavillois qui ont accompagné et/ou accompagnent encore ces expulsions. Ni la langue de bois de quelques officiels congolais de Brazzaville qu’on a pu entendre sur certains médias internationaux, ni le silence intriguant de ceux de Kinshasa ne sauront et/ou ne pourront continuer à masquer indéfiniment la vérité : les peuples sont sacrifiés sur l’autel de la sécurité des « politiques »congolais.
Qu’à cela ne tienne, l’espoir pour le (s) peuple (s) congolais, si mince soit- t-il, reste néanmoins important. A l’image de la poétesse française, Chantal Dupuy-Dunier : « La rivière ne voit jamais le dessus du pont « , ces peuples peuvent soutenir leurs espérances.
En effet, bien que parlant abondamment de la mort dans son roman » Mille grues de papier » d’où est tirée cette citation, l’auteure y délivre aussi un immense message d’espoir.
Pendant près de deux mois, le « boulot » m’a conduit dans le Congo profond, loin de ma permanente résidence de Kinshasa, la capitale de mon pays : la RDC. Un déplacement à « l’intérieur » qui m’aura grandement édifié sur la qualité de la connexion Internet dans mon pays. En résumé : loin de Kinshasa, point de salut pour les « accros » du net. Le stress est permanent, la connexion Internet dans le pays profond, rame … rame et rame tellement. Le retour au bercail du net à Kinshasa la capitale, me permet de « billeter » à nouveau sur mon blog. Excusez-moi, donc de revenir sur des sujets qui peuvent sembler quelques peu anachroniques à certains, peut-être. Mais celui, pénible, du retour forcé des RD-Congolais vers leur pays m’aura tellement taraudé l’esprit qu’il m’a secrété ce billet…